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mardi 30 novembre 2010

Romain Gary : le double, triple, quadriple je(u)

France 2 : mardi 2 décembre à 22h50.
Il est des parcours singuliers, parce que la vie s'est chargée d'apporter ses petits cailloux, voire ses grosses pierres sur le chemin, mais aussi et je pense surtout, parce qu'il est des hommes qui sont faits d'un autre bois, d'une autre substance. Romain Gary fait partie de ces hommes. J'ai eu la chance de voir lundi soir en avant-première un documentaire sur la vie de Romain Gary qui sera diffusé jeudi 2 décembre, pour les 30 ans de sa mort. Tout d'abord, il faut souligner le travail du réalisateur, Philippe Kohly, qui nous embarque dans sa recherche et parfois sur des fausses pistes, pour résoudre l'énigme Romain Gary. A la fin, on en saura un peu plus mais jamais on ne résoudra l'énigme de cet homme. Dans les années 1970, les livres de Romain Gary n'ont plus beaucoup de succès. Mais ce ne sont pas ses livres que la critique juge, mais l'homme Romain Gary. Alors, il invente Emile Ajar, écrivain parti vivre au Brésil pour échapper à la justice. Gallimard reçoit le script, hésite et fait éditer Gros-Calin d'Emile Ajar par sa filiale Mercure de France. Puis deuxième livre, La vie devant soi et là, surprise c'est un énorme succès, c'est même le prix Goncourt, or un auteur ne peut avoir deux fois le Goncourt et Gary l'a déjà eu en 1956. Il faut mettre un visage en face du nom d'Emile Ajar. Romain Gary choisit un petit cousin, Paul Pawlovitch, dont il est très proche. La supercherie durera au-delà de tout ce qu'il avait projeté, car il ne lui est plus possible de s'en sortir sans dégats. Et puis le personnage d'Emile Ajar lui échappe. Son cousin se prend au je(u). Fâcheries, avocats...
Mais au-delà du récit, des faits, des événements, l'homme Romain Gary reste totalement insaisissable.
Comment s'appelle-t’il? Roman Kacew, le petit garçon de Vilnus, Romain Gary, Shatan Bogat , Fosco Sinibaldi, Emile Ajar. Quelle est sa langue ? Sa langue natale est le russe, peut-être un peu de yiddish. Mais il apprendra le polonais, le français, l'anglais et écrira dans ces deux dernières langues, tout en étant souvent incapable de traduire ses livres d'une langue à l'autre. Qui est son père ? Un petit fourreur juif ou un célèbre acteur de cinéma russe, à qui il ressemble beaucoup. Romain Gary s'amusera à brouiller les pistes. Il aimera beaucoup les femmes. Tout d'abord sa mère et puis bien d'autres après dont Jean Seberg. Et puis, il empruntera de nombreux chemins. Il sera hôtelier pour aider sa mère, aviateur et tête brûlée pendant la guerre, consul aux Etats-Unis pour répondre encore aux ambitions que sa mère avaient mises en lui. Il décidera un jour de retirer tous ces habits qui ne étaient pas les siens et de se consacrer uniquement à l'écriture, à la création de personnages. Au final, on retiendra que Romain Gary (il faut bien choisir parmi ses pseudos) était avant tout un homme qui a écrit, écrit, écrit, créé des centaines de personnages si différents et avec tant de talent et de sensibilité. On a le sentiment qu'il a écrit pour s'oublier, pour disparaitre derrière tous ces personnages à qui il a donné vie. Mais n'a-t'il jamais été heureux?

samedi 27 novembre 2010

Prix Medicis 2010 : Naissance d'un pont

Après le pont de Michel-Ange (post du 23/11) qui est resté à l'état d'esquisse, je suis passée à la naissance d'un pont... en dur.

Dès la couverture on est intrigué : l'auteur, une femme, Maylis de Kerangal dont le nom aux sonorités poétiques évoque la Bretagne, les côtes rocheuses et les embruns, et puis le titre "Naissance d'un pont" qui nous renvoie à une réalité très concrète, très matérielle.

Dès les premières pages, on est surpris par l'écriture. Elle est précise, rapide, claire. Et pourtant les phrases sont longues et les descriptions nombreuses. Mais si certaines phrases dépassent les dix lignes, c'est parce que l'auteur en casse les structures classiques. Bien souvent, pour aller plus vite les virgules, les tirets, les deux points remplacent les points comme si l'auteur était pressé de nous entrainer avec elle dans la construction de ce pont menée par un certain Diderot "mon nom est Diderot et ce qui me plait à moi, c'est travailler le réel, faire jouer les paramètres, me placer au ras du terrain, à la culotte des choses, c'est là que je me déploie...Dans ce récit, on croise des hommes et des femmes venus de près ou de très loin sur ce chantier par besoin, par opportunisme ou par amour du métier. On se heurte à la matière : le béton, les câbles, les filins, les poutrelles, les fourreaux, la maille, les grues, les excavatrices, les camions, les baraquements. Et on entre dans un mouvement incessant qui peut donner le tournis "ils boulonnent, réparent, soudent, défoncent, explosent, dynamitent le fond du fleuve, pulvérisent la couche sédimentaire, retaillent les berges, applanissent les haut-fonds..."
La naissance de ce pont ne se fait pas sans difficultés car elle provoque de nombreuses luttes : le béton contre la forêt et ses habitants, le développement contre la nature, le mouvement contre le conservatisme (ou peut-être seulement la conservation).
C'est un livre très riche à découvrir, original sur le fond et sur la forme. Tout de même à noter quelques longueurs et notamment un chapitre entier sur l'histoire de la ville qui ne m'a pas paru indispensable et une trame romanesque assez faible qui aurait peut-être gagné à être plus consistante.MBS

jeudi 25 novembre 2010

Festival Jazz'n Klezmer : ça réchauffe !

Comme d'habitude j'ai trainé des pieds pour sortir dans ce froid et en plus il fallait traverser tout Paris : de l'ouest Parisien à la rue Broca dans le 5ème.
Il y a quelques années j'avais entendu Stephy Haïk chanter chez des amis le classique "Summertime" et j'avoue que j'en avais gardé un souvenir ému. Comme Stephy fait partie de mes amis sur facebook, bien que nous ne nous connaissions pas, j'ai eu envie de voir ce qu'elle devenait. Et bien, je n'ai pas été déçue. Stéphy était en concert ce soir au centre Broca dans le cadre du festival Jazz'n Klezmer. Elle était accompagnée par trois excellents musiciens dont Olivier Hutman au piano (pour les connaisseurs). Ils nous ont interprété des standards du jazz et quelques morceaux composés par Stephy. Stéphy a une voix extraordinaire (je vous promets que je ne donne pas dans le superlatif à la légère), digne des plus grandes chanteuses de jazz, mais c'est aussi une personnalité. Elle est à la fois une femme fatale, sorte de Marilyn brune qui lance ses chansons par de petits souffles sensuels et un léger déhanché, et une petite fille de 12 ans radieuse, dont on sent tout le plaisir, toute la gourmandise d'être sur scène. Ce plaisir nous l'avons partagé avec elle. Dommage, qu'il n'y ait pas eu plus de monde dans la salle. Mais, elle donne souvent des concerts dans des petites salles. Alors suivez-la.
Sinon, le festival continue et peut-être y aura-t'il d'autres pépites à découvrir. http://jazznklezmer.over-blog.fr/

mardi 23 novembre 2010

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants*...de Mathias Enard

Michel-Ange est probablement l'un des artistes les plus connus au monde. Sa Pieta, son David et bien sûr la chapelle Sixtine font partie des images, avec la Joconde de Vinci, l'autoportrait de Van Gogh à l'oreille coupée, la Marilyn de Wharol, le Baiser de Doisneau..., que nous avons en commun avec des dizaines de millions de personnes. Pour nous tous, le nom de Michel-Ange est étroitement lié à celui de la chrétienneté. Or en feuilletant une biographie de Michel-Ange dans la magnifique bibliothèque de la Villa Médicis à Rome, Mathias Enard a été frappé par la mention, sur une ligne, d'une invitation du Sultan à venir à Constantinople pour y réaliser un projet de pont, celui de Léonard de Vinci n'ayant pas plu. A partir de là, Mathias Enard a essayé de reconstruire ce qui avait pu se passer. Il a retrouvé quelques indices, mais ils sont bien minces : les dessins du projet abandonné de Leonard de Vinci, des dessins de ponts qui sont probablement ceux de Michel-Ange, un inventaire d'objets d'un voyageur italien à Constantinople, qui pourraient bien avoir appartenus à l'artiste.
Mathias Enard nous embarque avec Michel-Ange dans l'empire Ottoman. Un nouveau monde s'ouvre à lui. Une ville-port qui vit au rythme des arrivages des bateaux et de leurs marchandises les plus extraordinaires. Une ville où se cotoient musulmans, chrétiens et juifs (notamment ceux chassés par Isabelle la catholique). Une ville dans laquelle Michel-Ange découvrira tous les plaisirs des sens, sans pour autant s'y adonner. Et puis dans ce livre, il y a de la politique et le rapport des artistes avec les puissants et Michel-Ange fera ce cynique constat : « Sous tous les cieux il faut donc s'humilier devant les puissants ».
Ce livre est une charmante petite rêverie (une centaine de pages) sur les bords du Bosphore en compagnie de Michel-Ange, du poète ottoman Mesihi, d'une danseuse envoûtante et de bien d'autres personnages. Il a reçu le Goncourt des Lycéens, qui généralement font de bons choix.
* Citation complète de R. Kipling : Puisque ce sont des enfants parle-leur de batailles, de rois, de chevaux de diables, d'éléphants et d'anges mais n'omets pas de leur parler d'amour et de choses semblables."

dimanche 21 novembre 2010

Gardez vos livres fermés !


Je suis une fan absolue de Christian Lacroix. J'aurais rêvé de porter l'une de ses sublimes robes de haute couture et de me transformer un soir en Arlésienne. Hélas, je n'ai de lui que l'une de ses illustrations réalisées pour les 30 ans de Tati, représentant une belle brune en robe à volants en vichy rose et blanc. Et puis j'ai rencontré l'artiste un samedi soir dans un petit resto. Bien sûr je suis allée le voir pour lui dire toute mon admiration. Seul petit hic, j'étais habillée ce jour-là (no comment!) comme la pire des ringardes. Alors bon, il a été poli, mais mon compliment ne devait pas avoir beaucoup de valeur pour lui.
Les Livres de Poche viennent de sortir neuf livres dont la couverture est sublimement illustrée par Christian Lacroix. Alors pour moins de 50 euros, j'ai refait ma garde-robe littéraire et je me suis offert la collection 2010 Christian Lacroix. MBS.

jeudi 18 novembre 2010

Potiche, ça fait du bien !

Réunir Gérard Depardieu, Catherine Deneuve, Karine Viard et Fabrice Lucchini est déjà un très bon début pour une comédie. Ces 4 excellents acteurs ont en commun d'avoir un grand sens de l'autodérision et ça c'est déjà assez savoureux. Catherine Deneuve qui aurait pu se figer dans une posture d'icône du cinéma français, n'hésite pas à jouer la Jacqueline Maillan et ça marche. Bien sûr les caractères des personnages sont très marqués - c'était une pièce de théâtre avant d'être un film (le patron réac, la secrétaire qui couche, la femme potiche, l'ex-syndicaliste au physique Bernard Thibault, le fils soixante-huitard, la fille à papa...), mais la comédie est rondement menée, sans excès dans le jeu lui-même. A noter que Judith Godrèche en fille à papa conservatrice est parfaite (à claquer!) et Jérémie Rénier qui est un mix de notre cloclo national et de Hutsch (de Starsky et Hutch) est aussi délicieux.
Pour nous les quadras, il y a aussi un immense plaisir à voir et revoir un stylisme et une déco qui reunissent tous les best off des années 70. J'y ai reconnu les papiers peints de la cuisine (à fleurs orange) et de la chambre à coucher de mes parents (bleu canard) et quelques unes des robes de ma mère. Les années 70 étaient la grande décennies des comédies (les films des Charlot, de Pierre Richard, de Louis de Funès, de Mireille Darc...) qui, il faut le dire, ont beaucoup vieilli. Alors avec Potiche, on a une comédie des années 70, avec le rythme des années 2010. A voir comme on mangerait un bonbon Kréma. MBS.

mercredi 17 novembre 2010

Mother and child : vive les beaux drames !

Vous pouvez vous faire un cycle Annette Benning avec Mother and Child et Tout va bien (post du 15/10/2010) . C'est vraiment une très grande comédienne.

Post du 15 septembre 2010
Le festival du film américain de Deauville a récompensé Mother and child, une comédie dramatique magnifiquement et sobrement réalisée par Rodrigo Garcia. Je n'ai vu que trois films, mais comme Emmanuelle Béart (présidente du jury) et Jeannne Balibar, j'ai été touchée par cette histoire de femmes. En moins de 40 secondes, le film est lancé. Premier plan, deux ados s'embrassent dans une chambre, la jeune fille enlève son pull. Deuxième plan, on retrouve cette ado avec une dizaine d'autres toutes enceintes et plutôt tristes. Troisième plan de la jeune fille transpirante, accouche. Quatrième plan, on retrouve ce même visage dans une femme d'une cinquaine d'année. Elle travaille dans une maison pour personnes âgées. Elle fait son métier avec application. Dans ces premières secondes, on passe de la douce émotion du premier baiser, à l'angoisse de la grossesse précoce, au drame de l'abandon d'un enfant , au sentiment de culpabilité ineffaçable. La vie de Karen s'est arrêtée ce jour là et l'on comprend qu'elle n'a pas pu vivre, aimer, rire avec un tel poids. Elle se réfugie auprès des personnes âgées pour fuir le regard des enfants qui lui est insupportable. Tout le film est réalisé avec une grande économie de moyen. les plans sont courts, les ellipses nombreuses mais les faits se suffisent à eux mêmes. Les comédiennes (Annette Bening, la mère, Naomie Watts, la fille, Kerry Whashington, une femme en mal d'adoption) incarnent leurs personages avec tant de simplicité et d'humanité que nous nous projetons en elles instantannément. Tout comme Robin Wright dans Les vies privées de Pipa Lee(cf post du 4 janvier), Annette Bening incarne une femme d'une cinquantaine d'année, marquée par la vie et les drames. Tout comme elle, elle n'a pas peur de montrer ses rides, ses cernes, sa fragilité et c'est ce qui donne toute la force a son personnage.Il s'agit d'un drame et on en sort boulversés, mais quand le cinéma sait nous prendre comme ça, on en redemande.

mardi 16 novembre 2010

Toqué de Tokyo, un documentaire complétement dingue

Le japon pour nous les petits français, c'est loin, très loin. Après avoir vu ce documentaire le japon ou du moins les Japonais nous paraitront encore plus loin. Antoine de Caunes, le plus juvénile et le plus drôle des quinquas, nous guide à travers les rues de Tokyo. On fera un tour dans un bar à chats, comprenez un bar où pour vous détendre après votre travail stressant vous caressez le chat que vous aurez choisi sur un catalogue en sirotant votre thé. On découvrira le roi des effets spéciaux qui nous présentera sa galerie d'hommes sanguinolants saucissonés à la tronçonneuse, ses visages aux morphings improbables et plein d'autres monstruosités. Le résultat est d'un (sur)réalisme hallucinant. On fera aussi la rencontre d'une jolie et jeune japonaise de 18 ans qui casse la baraque au sens propre et au sens figuré. Elle deviendra, c'est sûr, la future Bruce Lee. On croisera ce jeune japonais marié à une jeune femme virtuelle (elle n'existe que sur l'écran de sa console de poche). C'est très sérieux, ils ont même été mariés par un prêtre. En dehors de la séance masturbation avec toute sorte d'objets très tendance, (recordman officiel de masturbation, près de 9h00 ininterrompues !), ce documentaire est vraiment à voir en famille, pour 1h30 de fous rire.
http://www.canalplus.fr/c-infos-documentaires/pid3672-antoine-de-caunes-toque-de-tokyo.html
Horaires de rediffusion Canal+ Decale :Mardi 16 novembre 2010 à 20h45 Canal+: Vendredi 19 novembre 2010 à 14h45 Canal+ Decale :Dimanche 21 novembre 2010 à 02h55 Canal+: Mercredi 24 novembre 2010 à 04h40

dimanche 14 novembre 2010

Georges Clooney et moi... et nous et nous

En 1970, 10% des mariages se finissaient en divorce, aujourd'hui ce pourcentage est de 50%. La (non) longévité des couples est devenue sociologiquement un véritable sujet d'étude. Nobert Saffar lui, s'amuse à montrer les différences de points de vue, de nature des hommes et des femmes au sein du couple. Est-ce que "tirer un petit coup" pour un homme c'est tromper? Est-ce qu'une femme trompée qui trompe à son tour son mari pour se venger est une salope? Est-ce que fantasmer sur Georges Clooney alors qu'on fait l'amour avec son mari, c'est tromper?... autant de questions et bien d'autres qui donnent lieu à des échanges animés.
C'est drôle, pertinent, bien écrit. A aller voir absolument en couple(s) et prévoir une longue soirée de discussion à la suite. MBS.
Theatre Galabru, sur la butte Montmartre séance à 20h00 de jeudi à dimanche.

vendredi 12 novembre 2010

Buena Vista Social Club

Hier soir Arte diffusait le film- reportage de Wim Wenders Buena Vista social Club tourné en 1998. A l'origine le producteur Nick Gold et le guitariste Ry Cooder décident d'enregistrer un disque de musique cubaine et africaine pour leur section musique du monde. Les musiciens africains n'arriveront jamais, bloqués à Paris (une grève?) et du coup l'enregistrement se fera avec les seuls cubains. Ce film retrace l'histoire extraordinaire de ces musiciens cubains oubliés revenus au devant de la scène avec le succès mondial que l'on connait. Le film est une magnifique succession de portraits de ces hommes (peu de femmes) habités par la musique depuis leur enfance. On les regarde, ils ont tous l'air fatigués, usés. Certains avaient arrêté de chanter, de jouer, mais tous, se sont remis à faire de la musique avec une précision, une émotion, une jeunesse que l'on ne trouve nulle part ailleurs. Parce qu'ils étaient coupés et privés de tout, ils ont mis toute leur âme dans leur musique. On serait presque tenté de dire "Merci Fidel".
Si vous ne l'avez pas vu, prenez-vous absolument 1h30 ce week-end pour le regarder. (visible sur le site d'Arte)

mercredi 10 novembre 2010

Prix Fémina : La vie est brève et le désir sans fin

Déjà, on choisit ce livre pour son titre, car il contient en lui tant de promesses. La promesse d'un roman poétique, d'un roman d'amour, des sentiments, du manque, de la frustration...et à la dernière page, on est pas déçu.
Deux hommes que tout oppose, se partagent l'amour de Nora, une jeune anglaise. D'un côté, Louis Blériot (et oui comme l'aviateur) à Paris, traducteur free lance de notices médicales toujours en manque de quelques centaines d'euros, marié à Sabine, une belle femme riche et cultivée, de l'autre côté, Murphy Blomdale, Américain exilé à Londres, trader célibataire. La jeune femme passe de l'un à l'autre et de l'autre à l'un. Et le livre, chapitre après chapitre, se déroule au rythme des oscillations de Nora mais se place du côté des hommes et plus particluièrement de Blériot. De façon surprenante, on a le sentiment d'être au plus près de lui sans jamais être dans le voyeurisme ou plonger dans le pathos. Face aux sentiments, il y a une impuissance de ces hommes à agir : demander à Nora de faire un choix, choisir de quitter ou de rester avec sa femme? Jamais ses choix ne seront posés peut-être de peur de rompre un équilibre même si instable? La vie de Blériot se déroule ainsi au gré des mensonges à sa femme, des silences face à Nora, des moments de bonheur volés, des angoisses lors de ses absences de l'autre côté de la Manche. L'écriture de Patrick Lapeyre est belle, à la fois simple, alerte et très profonde. Comme le titre nous l'annonçait on lit le mot fin et on ne peut s'empêcher de ressentir une certaine mélancolie. MBS.

lundi 8 novembre 2010

Houellebecq : la sagesse a payé !

Après avoir été proposé 3 fois pour le prix Goncourt, Houellebecq décroche enfin cette ultime récompense. Il semblerait que le jury ait plus voulu récompenser son oeuvre que précisément ce livre, qui n'a rien de particulièrement flamboyant.

Pour mémoire post du 21 sptembre
Rien ne m'énerve plus que de lire un livre sous la pression médiatique et l'agitation de pseudos scandales. J'aime les livres pour ce qu'ils racontent et les auteurs pour ce qu'ils expriment à travers leurs écrits et non ce qui en ressort d'une promo parfaitement orchestrée. Du coup, je lis souvent des best-sellers à contre-temps et j'ai des coups de foudre pour des auteurs qui ne sont plus en tête de gondole. C'est sûr que pour les dîners en ville c'est pas génial. Mais qu'importe.
Après avoir entendu un peu par hasard, une critique plutôt modérée sur "La carte et le territoire", je me suis enfin décidée à lire mon premier Houellebecq. C'est un roman autour du personnage de Jed Martin artiste contemporain que l'on suit de ses débuts d'artiste photo (il photographie des boulons puis des cartes Michelin), à sa période de peintre et jusqu'à sa retraite dans la campagne française. Il connaitra un succès inattendu et inespéré, même par lui. A côté de quelques peoples (Beigbeder, Jean-Pierre Pernaut, François Pinaullt...) croisés lors de vernissages, Houellebecq met en scène toute une galerie de personnages : un écrivain (lui-même), un galeriste, un architecte à la retraite qui n'a jamais réalisé ses rêves (le père de Jed), une attachée de presse enrhumée, un flic en fin de carrière. Tous ces personnages sont incroyablement seuls et au final ce livre ressemble au visage de Houellebecq : triste, désabusé mais pas révolté. Ce roman est comme une balade au cours de laquelle Houellebecq égrène ses commentaires sur une société modelée par l'argent et dessine une France de demain devenue le Disneyland pour les Russes et les Chinois. Et puis c'est aussi un roman et même parfois un roman policier avec un certain suspens (mais rien d'insoutenable).
On sent que Houellebecq s'amuse (même si certains passages avec son père joue le registre de l'émotion). Il manie le second degré avec délectation et prend un malin plaisir à se tailler lui-même en pièce. Ses détracteurs pourront-ils aller plus loin que lui?
Ce livre n'est pas incontournable, mais je l'ai lu avec plaisir. Et je lirais bien maintenant les premiers livres de Houellebecq.
MBS

samedi 6 novembre 2010

Marie de Montpensier ou Marie et le mariage.

Si ce film était sorti il y a 30 ans ou plus, il serait probablement devenu l'une des références des films romanesques de cape et d'épée. Sur fond de guerre de religion, le film suit les amours de Marie de Mézières, l'une de plus riches héritères du royaume de France. Marie fait partie de ces femmes dont la beauté affole tous les hommes. Mélanie Thierry, dont le visage de poupée nous fait penser à Romy Schneider dans Sissi, incarne parfaitement ce personnage. Bien que mariée au vaillant mais maladroit Philippe de Montpensier, le fougueux duc de Guise (Gaspard Uliel), le sage et chevaleresque Comte de Chabannes (Lambert Wilson), le royal Duc d'Anjou (frère du roi) ne cesseront de vouloir posséder le coeur de cette belle. Intrigues, jalousie, passion, honneur, devoir tous les ingrédients sont là pour nous embarquer. Les acteurs masculins nous offrent tous de très beaux rôles de composition, l'image très léchée nous renvoie à des tableaux du XVIIème siècle et les costumes décrocheront probablement un César. Malgré tout cela, le film souffre d'un trop grand classicisme, d'une certaine lenteur et manque du coup d'éclat. En comparaison, on est bien loin du flamboyant "Reine Margot" qui se déroule à la même époque. MBS

jeudi 4 novembre 2010

Le troisième jour de Chochana Boukhobza***

Ce livre se lit d'abord comme un roman à suspens palpitant, avec les histoires entrecroisées de deux femmes si différentes mais que la passion de la musique unit comme une mère et une fille. Elisheva, juive d'origine polonaise, violoniste mondialement reconnue, tuera t-elle son tortionnaire de Majdanek, venu en pélerinage à Jérusalem ? Rachel jeune juive d'origine tunisienne, retombera t-elle dans les bras d'Eytan, son bel amoureux qu'elle a abandonné pour suivre sa formation musicale à New-York ? Le roman démarre à Jerusalem trois jours avant un grand concert que les deux femmes doivent donner. Pendant ces trois jours, nous les suivrons dans Jerusalem replonger dans leurs passés. Nous croiserons aussi de nombreux juifs de Jérusalem, des hommes, des femmes, des jeunes, des moins jeunes. Chacun a son histoire, son fardeau, ses angoisses. Chaque juif en Israël vit avec ses démons, liés à ce qu'il a vécu en camp, à un déracinement de son pays natal, à la difficulté de vivre dans un pays sous tension permanente... Et puis, il y a la vie tout simplement : les amours, les conflits de génération, les relations conjugales complexes, les ambitions personnelles, la volonté de vengeance, la volonté de paix... Voilà il y a tout ça et bien plus encore dans ce roman, qui au final sans le dire est une magnifique fresque de toutes les émotions humaines sur fond de Jerusalem.
J'ai eu la chance de lire ce livre alors que j'étais à Jérusalem et que, comme dans le livre, se déroulait de grands pélerinages (ceux de la Toussaint). Cela a donné bien sûr une saveur toute particulière à ce roman. Mais même à Paris, cela vaut la peine de suivre Chochana Boukhobza.MBS

mardi 2 novembre 2010

Confidences à Allah deSaphia Azzedine ****

Après le coup de coeur que j'ai eu pour La Mecque-Phuket (cf ci-dessous), j'ai enchainé avec le premier roman de Saphia Azzedine. Au bout de quelques pages, j'ai eu envie d'arrêter tellement ces confidences à Allah étaient dures, crues, à la limite du supportable. Jbara est une petite bergère qui habite le trou du cul du monde (c'est elle qui le dit), au fin fond de l'Atlas, là où il n'y a rien, si ce n'est un père bête et méchant, une mère qui subit, des frères et soeurs qui font comme ils peuvent. Et puis, il y a Miloud qui passe régulièrement et qui la viole contre quelques friandises.
Ca baise comme des salaud chez les pauvres, parce que c'est gratuit...Il pue comme je pue aussi au final ça s'annule, on sent bon. Je regarde les yaourts, le paquet de biscuits au chocolat et le chewing-gum dans le sac en plastique. Lui, il gémit comme un porc. Il a vraiment l'air idiot. Heureusement, il est derrière, je ne le vois pas trop.
Jbara décide de se confier à Dieu, de tout lui dire même ses péchés, car à qui d'autres peut-elle s'adresser. Elle ne lui en veut pas à Dieu, elle sait que ce sont les hommes qui font le mal, pas lui. Chassée par son père, elle fera ce qu'elle a à faire pour s'en sortir. Elle utilisera sa seule richesse, son corps et apprendra à en tirer le meilleur parti. Bien sûr, elle sait que c'est péché (haram), mais elle n'a pas le choix.
J'ai reçu ce roman comme un cri. Un cri qui vous transperce et ne vous laisse pas intact. On est loin de l'humour de La Mecque-Phuket. Mais on sait que Saphia Azzedine est un écrivain à part entière, capable d'un roman à l'autre de se renouveler en gardant sa plume toujours aussi incisive. MBS.

lundi 1 novembre 2010

La Mecque-Phuket de Saphia Azzedine, mérite largement le voyage****

Disons-le tout de suite, La Mecque-Phuket est Mon coup de coeur de cette automne. J'avais vu et entendu Saphia Azzedine il y a près de 2 ans à la sortie de son premier livre Confidences à Allah, mais soyons honnête, cette beurette aux yeux de chat, aux cils frémissants, à la silhouette de liane, ça sentait vraiment le coup marketing (cf la photo!). Un bon moyen pour la France catho et bien pensante de montrer qu'à côté des critiques nombreuses faites aux musulmans de France, elle était aussi capable d'encenser les musulmans qui le valaient bien. Et puis je me suis laissée séduire par le titre. La Mecque c'est le pélerinage que rêvent de faire les parents de Fairouz pour enfin devenir hadj et hadja. Phuket, c'est la destination que rêve de se payer Fairouz et sa soeur, pour profiter du sable blanc et de la carresse de cette eau turquoise. Tout le livre tient dans ce grand écart entre des traditions et les croyances viscérales des parents et cet envie de Fairouz de vivre "normalement" sa vie de jeune française. Fairouz aime profondément ses parents mais elle ne supporte pas leurs pratiques bigottes (est-ce comme ça que l'on dit pour les musulmans?), leurs superstitions et leur peur du qu'en dira t-on. Malgré ça elle se promet de tout faire pour ne pas les contrarier, pour être une bonne fille. Mais elle n'y arrive pas. Il faut qu'elle ouvre sa grande boite. Et puis on croise l'un de ses frères devenu une petite frappe, le roi des petits trafics foireux. On a le droit à son analyse sur l'échec des garçons dans ces banlieues. A la maison, on leur a tellement dit qu'ils étaient des dieux, qu'ils sont convaincus que le monde leur appartient. Une fois dehors, la réalité est tout autre : désespérante et violente. Alors ils se défoulent de leurs frustrations sur les filles et pour rien au monde, ils ne quitteraient le toit de leurs mères qui les adulent. Les filles, elles, arrivent parfois à s'en sortir en se faisant discrètes, en se faufillant et sans jamais s'en vanter.
Mais avant tout, La Mecque-Phuket est un roman vivant et drôle, émaillé de remarques corrosives mais jamais méchantes. Le style est original, concis, imagé avec un vrai sens de la formule. Je vous laisse, je file acheter Confidences à Allah.
MBS